À quand la fin?
Le 25 novembre a marqué la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, ainsi que le début de la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le genre. 16 jours pour tirer la sonnette d’alarme et passer à l’action.
Cinq ans après le début de la vague de dénonciation #moiaussi sur les réseaux sociaux, qui a permis de libérer la parole des victimes de viol et d’agressions sexuelles, où en est-on? Pas bien loin. Le sexisme et la misogynie se portent bien, merci. Retour sur quelques moment-clefs de l’année.
Printemps 2022. Nous observons le lynchage médiatique de l’actrice Amber Heard lors de son procès contre Johnny Depp. Un procès pour diffamation dans le cadre de violences domestiques, relayé à la manière d’un divertissement par les médias et dont la toile s’empare pour laisser libre cours à son antiféminisme le plus primaire à coup de mèmes sordides visant à ridiculiser l’actrice.
Bien loin de profiter de l’occasion pour soutenir les victimes de violence ou pour partager des ressources afin de les aider, les internautes se déchainent pour discréditer les femmes victimes d’abus, sans jamais s’intéresser à la nature systémique de cette violence.
Été 2022. Nous prenons conscience de l’ampleur du phénomène Andrew Tate, alors que l’influenceur britannique se voit bannir par les principaux réseaux sociaux. Nous découvrons avec effroi la misogynie et les discours haineux auxquels sont quotidiennement confrontés nos jeunes en pleine construction identitaire, et notre incapacité à les en protéger efficacement.
Automne 2022. Nous voyons la fédération canadienne de hockey continuer de défendre ses dirigeants, malgré leur incapacité à répondre adéquatement aux allégations d’agressions sexuelles visant certains joueurs. Nous mesurons à quel point la culture du viol est institutionnalisée au sein de la fédération sportive lorsque nous découvrons le nombre de plaintes étouffées par l’entremise d’un fonds monétaire créé à cet effet.
Encore et toujours, on protège les agresseurs. Encore et toujours, on fait taire les victimes.
Une violence systémique et récurrente
Les violences basées sur le genre ne cessent d’augmenter dans plusieurs provinces du pays, comme au Nouveau-Brunswick, où l’on a constaté une hausse de 39 % du nombre d’actes de violence entre partenaires intimes entre 2009 et 2021.
À la fin du mois d’octobre, 144 femmes avaient déjà été tuées au Canada cette année, soit près d’une femme tous les deux jours. La moitié d’entre elles sont mortes sous les coups de leur compagnon, dans leur propre maison.
Les femmes autochtones continuent quant à elles d’être largement surreprésentées dans les cas de féminicides et de disparitions au Canada.
Ce ne sont ni des chicanes domestiques, ni de malheureux accidents, ni des drames passionnels. C’est une violence globale et récurrente, qui cible les femmes et s’inscrit dans une culture patriarcale bien vivace.
Une culture qui tolère les blagues sexistes, le harcèlement, les gestes déplacés. Une culture qui cherche des excuses pour l’agresseur avant même que la victime ait fini de parler. Une culture qui apprend aux femmes à avoir peur la nuit, plutôt que d’éduquer ses garçons.
C’est une violence perpétrée par les gouvernement eux-mêmes, lorsqu’ils ne respectent pas les droits sexuels et reproductifs des femmes et des minorités de genre. Ou lorsqu’ils refusent de prendre action pour lutter contre la pauvreté, contribuant de ce fait à exacerber les inégalités.
Une violence permanente, diffuse, qui s’instille dans les détails de nos quotidiens, dans nos discours et dans les rouages de nos systèmes judiciaires. Qui dicte nos comportements et entrave nos libertés.
Cette violence ne pourra prendre fin que le jour l’on décidera enfin de la voir pour ce qu’elle est : un enjeu systémique, que nous devons aborder de façon systémique. Un enjeu de santé publique sur lequel nous avons le devoir d’agir là, maintenant.
Pour que cesse cette guerre mondiale contre les femmes, pour reprendre les mots de la célèbre activiste féministe Silvia Federici. Pour que plus jamais les femmes n’aient peur de rentrer chez elles.