Un petit pas pour les femmes
Hourra! Sortez les trompettes et les tambours! Le Nouveau-Brunswick a battu son record de femmes élues à l’Assemblée législative lors des élections anticipées qui se sont tenues le 14 septembre. Enfin, nous allons voir des femmes au pouvoir! Enfin, la société reconnait le rôle prépondérant qu’elles ont à jouer dans la relance économique! Célébrons cette avancée historique, que dis-je, ce bond massif, ce pas de géant vers l’égalité!
Pardon, j’ai mal entendu, pouvez-vous répéter? Oh! Le record est fixé à 29 %. Ah oui, seulement. Ce qui est à peu près la moyenne dans les assemblées législatives des provinces et territoires du Canada. Hum. Bon. Je peux aller ranger mes confettis et mon mirliton, en fait. Ce n’est pas demain la veille que nous vivrons dans le monde d’après, celui où tout ira bien.
Moins d’une personne élue sur trois est une femme
Quelque chose m’échappe dans la logique de ce triste record. Je ne comprends pas. Qu’est-ce qui peut bien expliquer qu’aujourd’hui, en 2020, dans un pays qui se dit égalitaire, dans une démocratie représentative, moins d’une personne élue sur trois soit une femme? Et on ne parle même pas d’une minorité. On parle de la moitié de l’humanité.
Pourtant, on était plutôt bien parti : en 2013, le Canada comptait six femmes à la tête de ses provinces. Et maintenant, combien? Zéro. Pas une. Comme dans les années 50. Et 60, 70 et 80. Parce que oui, il a fallu attendre 1991 pour qu’une femme occupe le poste de première ministre. Il s’agissait de Rita Johnston, en Colombie-Britannique. Mais bon, ne blâmons pas nos aïeux : ce n’est pas comme si l’on faisait mieux maintenant.
Qui pensera à nos stationnements?
Ne pourrions-nous pas prétendre à des gouvernements qui nous ressemblent? Des lieux de pouvoir dirigés par des personnes qui nous comprennent et qui savent de quoi on parle quand on essaye d’expliquer que nous, ce qu’on aimerait, c’est de la lumière dans les ruelles sombres la nuit, puis des policiers formés à l’accueil des victimes de viol. Que c’est bien beau de construire un nouvel oléoduc, mais qu’on préférerait vraiment un investissement dans les structures d’accueil pour les enfants. Et des trottoirs plus larges pour que les poussettes puissent y passer (parce qu’en 2020, c’est toujours aux femmes qu’incombe principalement cette tâche).
Dans son livre Lean In, Sheryl Sandberg, la directrice des opérations de Facebook, explique qu’une de ses premières actions a été de réclamer des stationnements juste en face du bureau pour les femmes enceintes. Une demande qu’on lui a très vite accordée : tout le monde était d’accord sur le bien-fondé de sa requête. C’est juste que personne n’y avait pensé avant.
Le principe est le même dans nos parlements : si nous laissons toutes les décisions entre les mains d’hommes, plutôt âgés, plutôt blancs, plutôt à l’aise financièrement, qui pensera à nos stationnements? À nos défis quotidiens? À nos réalités?
Pour des gouvernements diversifiés
Et oui, c’est vrai, toutes les femmes ne militent pas pour l’avortement, et encore moins pour l’égalité salariale. Obtenir plus de femmes dans les instances politiques ne signifie aucunement que les droits des femmes y seront davantage abordés. Mais je ne parle même pas de féminisme ici. Juste de démocratie. J’aimerais ça, moi, des gouvernements avec des jeunes, des vieux, des personnes racisées, issues de l’immigration ou des communautés autochtones, des personnes non-binaires, d’autres à mobilité réduite, bref, des gouvernements diversifiés et créatifs. Des gens qui nous donnent envie de nous intéresser à la politique, parce que leurs discours sont différents, vivifiants et novateurs.
On parle souvent du désintérêt des jeunes pour la politique. Mais les jeunes ne se désintéressent pas de la politique. Ils se désintéressent des hommes et des femmes politiques qui ne leur ressemblent pas. Aujourd’hui, il est grand de réenchanter la politique. De s’étonner haut et fort du peu de place faite aux femmes sur les listes électorales. Du peu d’efforts réalisés par les différents partis pour inverser la tendance. Et de s’engager.