Repenser nos actions selon le genre
Le mois dernier, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a dévoilé les résultats de l’analyse comparative selon le genre qu’il a réalisé pour préparer son budget 2021-2022. Il s’agit de la première province au Canada à rendre public ce processus, réclamé de longue date par les organismes de défense des droits des femmes à travers tout le pays.
Certes, le résultat n’est pas encore à la hauteur des espérances des féministes, et de nombreuses pistes d’amélioration sont envisageables. Il n’empêche que cela reste un pas dans la bonne direction : celle d’une prise de conscience politique de la nécessité de réfléchir aux éventuelles conséquences différentes sur les femmes, les hommes et les populations vulnérables des actions que l’on pourrait penser neutres de prime abord.
L’apparente neutralité du déneigement
Prenons un exemple malheureusement toujours de saison : le déneigement. Rien ne vous semble plus neutre qu’un plan de déblayage? Détrompez-vous! Dans la plupart des villes, lors d’une tempête de neige, l’on s’affaire prioritairement à dégager les axes routiers principaux, puis les rues secondaires, et, enfin, les trottoirs. Ceci afin de permettre, entre autres, aux travailleurs et aux travailleuses de se rendre sur leur lieu de travail rapidement.
Depuis 2010, la ville de Karlskoga, en Suède, aborde le problème différemment. Les trottoirs sont déneigés en premier, en priorisant les alentours des crèches et des écoles, puis des hôpitaux et des administrations. Ce qui facilite les déplacements des femmes, des enfants, des jeunes et des personnes âgées.
Plusieurs études ont en effet démontré que ces derniers utilisaient davantage les trottoirs et les pistes cyclables pour leurs activités quotidiennes, tandis que les chaussées étaient davantage utilisées par les hommes.
L’argument massue de la petite bourgade suédoise pour justifier ce déneigement féministe? Il est plus facile de se déplacer sur 10 cm de neige en voiture qu’avec un landau ou un vélo. Résultat : la ville a enregistré une baisse drastique des chutes et des blessures durant l’hiver, désengorgeant par là même ses hôpitaux et réduisant ses dépenses en santé.
Remettre en question ses présupposés
Cet exemple démontre l’intérêt d’analyser les politiques publiques en fonction de leur impact genré sur la population, mais également en tenant compte de facteurs tels que l’âge, le revenu ou l’origine des personnes.
C’est en portant attention aux besoins réels des gens, et plus particulièrement des groupes les plus vulnérables, que nous pourrons construire un espace public inclusif, où chacun se sent légitime et libre de circuler.
C’est en acceptant de remettre en question nos présupposés, en prenant l’habitude de contester l’apparente neutralité de nos actions et en laissant la parole aux principaux concernés et aux principales concernées que nous parviendrons à imaginer des solutions durables et justes pour mieux vivre ensemble.
De l’argent pour toute la communauté
C’est bien beau de construire à grands frais un nouveau terrain de soccer, mais si en réalité, seule une partie de la population l’utilise – pour toute une série de raisons allant de la construction sociale des rôles genrés au poids de la culture et des traditions en passant par une accessibilité réduite – , ce sera de l’argent qui ne servira pas la communauté.
C’est bien joli de vouloir relancer l’économie à tout-va, de mettre en place des incitants financiers pour la création d’entreprises, de construire des autoroutes, des oléoducs et des mini-réacteurs nucléaires, mais si rien n’est mis en place pour contrebalancer les impacts disproportionnés de la crise actuelle sur les femmes et les populations vulnérables, ce sera in fine un échec pour l’ensemble de la société.