En cours de lecture
Écologie et féminisme : une relation pas si facile

Écologie et féminisme : une relation pas si facile

L’ampleur des changements climatiques actuels est sans précédent. Face à ce constat, réduire son impact environnemental est devenu le mantra de nombreuses personnes. Dont moi.

Pour la survie de la planète, des abeilles et des glaciers, je me suis mise à consommer moins, consommer mieux, manger local, refuser les produits transformés, réparer, coudre (ok, coudre, peut-être pas), recycler.

Décrypter les étiquettes, m’informer et passer des heures sur Internet à chercher comment voyager sans exploser mon bilan carbone. Me déplacer à vélo, fabriquer mes produits d’entretien, mon pain et mon kombucha.

Produire tout ça de mes petites mains me procure une joie immense, sorte de pied de nez au capitalisme, à la société de consommation et au culte du toujours plus vite. Il n’empêche, je m’interroge.

Suis-je en train de trahir les féministes qui se sont battues avant moi pour me libérer des contraintes ménagères? L’écologie est-elle devenue la nouvelle ennemie du féminisme?

Car ce sont bien souvent les femmes qui s’activent en cuisine pour sauver la planète. Pas parce que c’est dans leurs gènes, mais parce la société patriarcale dans laquelle nous vivons leur a appris depuis toute petite à donner sans compter et à se sacrifier pour le bien de leur communauté.

Parce que les femmes, encore aujourd’hui, passent près d’une heure par jour de plus que les hommes à préparer les repas, faire le ménage ou la lessive. C’est donc « tout naturellement » elles qui prennent en charge ces nouvelles tâches écoresponsables, soucieuses d’offrir à leur famille tous les produits sains qu’elle mérite. 

Or, réduire son impact environnemental à l’échelle individuelle, cela demande du temps. Du temps que l’on ne consacre pas à militer collectivement, à s’engager activement, à prendre la rue ou à éduquer ses proches.

Et le vrai combat écologique ne se mène pas à la maison. Il se gagne dans les lieux de pouvoir et d’influence. Modifier nos comportements personnels, c’est bien. Obliger les gros pollueurs à en faire de même, c’est mieux!

Notre jus bio pressé à froid ne détruira ni le capitalisme, ni le patriarcat.

Le temps passé à préparer des petits pots maison et à laver des couches, c’est du temps que nous ne passons pas à mettre nos compétences techniques, intellectuelles et pratiques au service de la lutte collective pour une société plus durable.

Alors, oui, bien sûr, je continuerai d’aller chercher mon panier bio à la boulangerie tous les lundis, à refuser les achats inutiles et fabriquer mon pain au levain. Mais je n’oublierai pas de participer aux mouvements citoyens, de prendre la parole pour dénoncer publiquement les injustices climatiques et de faire pression sur les entreprises polluantes.

Nous devons aujourd’hui réfléchir collectivement et globalement à nos luttes, en ne laissant personne sur le côté. Les luttes environnementales ne doivent pas reposer sur le travail invisible des femmes.

Les gestes individuels sont importants. Plus que jamais, ils nous permettent de nous sentir utiles, de donner du poids et de la consistance à nos actions et à notre engagement. Mais inscrivons-les dans une réflexion plus large, dans un mouvement collectif de changement social anticapitaliste, féministe et intersectionnel. 

Et veillons à une juste répartition des tâches à la maison. Parce que les femmes et les hommes ont tout à y gagner à s’impliquer davantage, en cuisine comme dans les parlements.

Voir les commentaires (0)

Laisser une réponse

Votre email ne sera pas publié.

© Julie Gillet 2022 Tous droits réservés.